Synthèse de la Rencontre organisée le 22 mai 2013 par le Conseil général de l’Hérault en collaboration avec la DRAC Languedoc Roussillon et les services de l’Education nationale de l’Académie.
La généralisation de l’éducation artistique et culturelle, notamment au travers des Plans Départementaux et/ou des Contrats Locaux d’Education Artistique (en savoir ++), le renforcement des enseignements et pratiques artistiques, inscrits ou non dans des Schémas départementaux, sont un des pivots essentiels des politiques publiques départementales (en savoir ++). Dans le cadre de la « Refondation de l’école » comme dans celui de la consultation nationale « Pour un accès de tous les jeunes à l'art et à la culture" (en savoir ++), les Conseils généraux de France et leurs agences disposent d’un rôle fondamental (en savoir ++ et encore ++) tant par leurs compétences sectorielles dans le domaine jeunesse et éducatif, culturel, social et de l’insertion que par leur rôle historique dans l’aménagement et l’accompagnement des territoires de proximité (en savoir ++ et encore ++).
Les interventions et échanges de cette Rencontre ont été à ce titre denses et riches d’enseignements, notamment car leur actualité s’inscrivait dans la publication de la Circulaire du 3 mai (++). Dés l’ouverture officielle effectuée par André Vézinhet, Président du Conseil général de l’Hérault et Jacques Atlan, Vice Président à la Culture, Philippe Wuillamier, Directeur académique des services de l’éducation nationale de l’Hérault et Alain Daguerre de Hureaux, Directeur de la DRAC Languedoc Roussillon, un premier mot clé s’est imposé comme récurrent dans les débats : COOPERATION.
Coopération publique tout d’abord entre collectivités pour « unir nos efforts » (Etat en interministériel, Départements, EPCI) qui ne peut reposer que sur une volonté politique dans une « entente cordiale », une confiance et une équivalence de relations dans une « responsabilité collective » et des compétences existantes au sein des Dracs, des DSDEN et des Collectivités, notamment départementales ; avec des opportunités, la Refondation de l’école (en savoir ++ : Projets Educatifs Territoriaux et encore ++ rythmes scolaires) et la consultation nationale « Pour un accès de tous les jeunes à l'art et à la culture" (en savoir ++ : le rapport Bouët), et des menaces, des moyens humains et financiers contraints et une réforme en cours des collectivités territoriales dont les modalités constitutionnelles « pétrifient » la décision (en savoir ++). Une nouvelle gouvernance est donc à inventer bien que cette coopération publique soit déjà présente dans nombre de Départements (en savoir ++ : atelier C&D du 23 mai 2013).
Coopération entre partenaires éducatifs, culturels et socio-éducatifs de terrain, ensuite, car la totalité des «temps de vie » doit être couvert (avec des liens à construire avec les Contrats Enfance et les Schémas départementaux d’enseignements et de pratiques en amateurs) en mobilisant les énergies des opérateurs culturels, d’éducation populaire, éducatifs et sociaux présents sur le territoire du projet. Dans la Communauté d’agglomération du Libournais (33), des parcours d’éducation artistique et culturelle ont ainsi été mis en œuvre pour 1000 élèves et 40 classes de CM1 et CM2 (en savoir ++ : chemins de la culture en Libournais) et un lien à venir avec les collèges de l’intercommunalité, comme l’ont présenté, à partir du rapport d’évaluation, Marie-Hélène Rouault, Conseillère éducation artistique et culturelle à la Drac Aquitaine et Christine Treille, Responsable de la médiation à l’iddac, agence du Conseil général de la Gironde. Ce besoin de coopération de terrain fait apparaître des nécessités : mettre de la clarté et de la cohérence avec la constitution d’un lexique commun (Jean-Gabriel Carasso) mais aussi repenser les nombreux dispositifs et offres faites au(x) jeune(s) scolarisé(s), générant nombre, empilement voire concurrence, comme souligné par Eric Le Moal, Conseiller éducation artistique et culturelle à la Drac-Nord Pas de Calais. De manière synthétique, plutôt que de produire des « actions dans tous les sens, le temps pourrait être venu de retrouver le sens de l’action ».
Deuxième mot clef, « mot valise » parfois : TERRITOIRE(s). Des territoires institués, de vie, vécus qui s’entremêlent, se superposent, se confondent (dans le sens du recoupement comme dans celui de la confusion). Avec l’assurance que le territoire ne peut se limiter à un ensemble géographique ou spatial et qu’il pose une nécessaire transversalité, une intersection voire une « interpénétration » (Emmanuel Payssant, Chef de projet chargé du schéma départemental des enseignements, des pratiques et de l’éducation artistique, Conseil général de l’Ardèche) entre jeunesse, éducation, culture, artistique et social, dans une démarche qui n’est pas sans rappeler les premières politiques de la Ville ou les chartes des Parcs Naturels Régionaux. Dans ce cadre territorial, les parcours en temps scolaire comme péri et extrascolaire, conjugués à un aménagement des rythmes scolaires et à une réforme constitutionnelle en cours sont à la fois une chance et un risque.
3 enjeux territoriaux ont été identifiés par les participants et intervenants.
- Produire un cadre commun départemental permettant de révéler, dans le(s) processus, les spécificités et singularités territoriales car « le local finit toujours par primer » (Ahmed Kalami, Principal adjoint de la Cité scolaire du Cheyssard en Ardèche).
- Disposer d’une méthode et d’outils (en savoir ++) tout en posant dés l’origine la gouvernance territoriale du(des) parcours ainsi que les financements, soit les décisions d’affecter les moyens : « gouverner, c’est choisir » (Jacques Atlan).
- Articuler les temps du(des) jeune(s) entre scolaire et périscolaire sans (risque de) diluer ou projeter ses propres représentations (Robert Fabre). Si la notion de « public jeune » est une invention récente, résultat de l’accroissement du temps de la scolarisation et de l’affirmation d’une génération d’après guerre, elle demeure aussi pour beaucoup un « bloc » que l’on croit compact, là où il n’y a pas une jeunesse mais des «jeunes » aux origines, aux préoccupations, à la temporalité et aux parcours différents.
Ces parcours territoriaux pourraient alors générer des « bénéfices collatéraux », en terme de réussite éducative et personnelle mais aussi en devenant « l’épine dorsale de l’action culturelle des territoires », le « cheval de Troie » (Gabriel Carasso) du développement culturel territorial en modifiant et en faisant évoluer les pratiques professionnelles des acteurs culturels, éducatifs et sociaux, car « dans une maison, on ne rentre pas aussi facilement que cela. L’éducation artistique et culturelle est capable d’ouvrir des portes», comme indiqué par Jacques Atlan (en savoir ++ : atelier C&D Territoires du 23 mai 2013). Il semblerait donc aujourd’hui « plus nécessaire de construire des liens que des temples ».
Des liens, bien sur, mais pour qui et pourquoi dans un temps où comme le vit Jean-Gabriel Carasso « tout fout le camp » ! Comment généraliser sur un mode unique dans un monde en perpétuelle mutation ? Comment s’adresser à tous les jeunes, enfants, élèves (et leurs parents) peut aussi s’entendre par comment dans un collectif, il est important de reconnaître la place de la personne. GENERALISATION donc, mais dans la prise en compte de « l’individuation » (en savoir ++). Car l’éducation artistique et culturelle, c’est permettre à tous dés le plus jeune âge de préciser que la culture, ses lieux, ses ressources, se partagent, qu’il s’agit là de biens communs financés pour l’essentiel par les pouvoirs publics pour que chacun puisse sortir de sa culture propre, s’émanciper et développer sa curiosité en direction de toutes les cultures en se construisant non dans un modèle unique mais au contraire dans sa diversité. Au-delà du seul droit à la culture, il est donc nécessaire d’affirmer les droits culturels, car « c’est ce qui permet de se dresser, d’être un humain debout» (Alain Daguerre de Hureaux) avec des « corps qui parlent et pas uniquement des cerveaux » (Ahmed Kalami).
Généraliser, c’est prendre en compte cette diversité avec des éléments récurrents de méthode :
- S’inscrire dans le temps tout d’abord : temps de la construction (co-construction), temps de l’infusion, temps de la participation, temps de l’appropriation, temps de l’évaluation, … temps du « changement des temps scolaires ». Lionel Rouzier, Professeur de Lettres, responsable pédagogique du projet « classe artistique expérimentale » au collège les Escholiers de la Mosson, a ainsi souligné que chaque professeur a cédé 20% de son temps au profit de pratiques artistiques en temps scolaire afin de proposer un parcours de la 6ème à la 3ème pour une classe. Avec le constat d’un temps trop limité pour la pratique qui a conduit à étendre les plages artistiques à 1h30 avant de le généraliser à toutes les autres classes de l’établissement (en savoir ++) ;
- Définir non un schéma ou un dispositif mais des enjeux, des valeurs et des objectifs partagés avec des « parti pris communs » ;
- S’appuyer sur des artistes qui interviennent et non sur des intervenants artistiques ;
- Ecrire le parcours et l’évaluer avec de nouveaux indicateurs car pour le(s) jeune(s) comme pour les participants et acteurs, le processus et la démarche peuvent être aussi, voire plus, important que le résultat.
« Jouer donc et se regarder jouer » : pour le(s) jeune(s) comme pour les acteurs. Voilà qui va bien au-delà des seules questions de FORMATION détaillées dans la circulaire interministérielle en attente de clarification. Avec le besoin de disposer parfois de « tiers » : des « tiers » qui réalisent et mettent en œuvre des diagnostics, des bilans et des évaluations ; des tiers qui peuvent être une agence culturelle départementale mais aussi des équipes universitaires.
Avec le besoin pour les acteurs (enseignants, médiateurs culturels, travailleurs sociaux, animateurs, artistes, élus, …) de vivre les parcours dans une « formation-action commune » avant de les faire partager, car « la connaissance, c’est le savoir qui devient une expérience de vie » (Jean-Claude Carrière cité par Jean-Gabriel Carasso).
Avec le besoin d’établir un suivi partagé et un besoin naturel d’évaluation au sein des établissements comme pour les acteurs et leurs pratiques professionnelles. Avec le besoin enfin de conserver une trace qui génère visibilité, lisibilité et valorisation mais aussi échanges, partages et débats publics.
François Pouthier